Wednesday, February 17, 2010

Actualités sur la prise en charge des personnes trans

Mercredi 17 février 2010 // Communiqués de presse .

OUTrans a pu être reçue récemment au ministère de la santé. Dans un souci de partage, de transparence et de bonne compréhension par toutEs de la situation dans laquelle nous sommes actuellement (et parce qu’on ne peut décidément pas compter sur les médias et que oui, l’information c’est le pouvoir), voici une synthèse des informations dont nous disposons :.

Quelques repères chronologiques :.

1989 : Le ministère de la santé adresse à la CNAM une circulaire qui officialise un protocole de soins créé dans un hôpital parisien. Cette circulaire est à l’origine du mythe qu’est l’existence de protocoles dits officiels avec des psychiatres auto-proclamés « spécialistes du transsexualisme »..

2004 (Arrêt de la Cour de Cassation du 27 janvier 2004) : Cette circulaire non publiée et illégale, est annulée par une décision de la cour de cassation..

2004 : Décret qui crée une ALD trans, classée dans les Affections Psychiatriques Longue Durée (catégorie d’ALD 23), et début d’un travail de la HAS en vue de faire un rapport sur la prise en charge de la transidentité en France..

Avril 2009 : La HAS rend public son pré-rapport sur la prise en charge de la transidentité en France. Pour complément d’info, voir le CP d’OUTrans à ce sujet est disponible ici..

16 mai 2009 : Roselyne Bachelot-Narquin annonce le passage de la transidentité de l’ALD 23 (affections psychiatriques) à l’ALD 31 (hors liste)..

Pour complément d’info, voir le CP d’OUTrans à ce sujet là..

Février 2010 : Un décret rendant effective l’annonce de Roselyne Bachelot-Narquin du 16 mai 2009 est signé et publié au JO en date du 10/02. La transidentité (« trouble de l’identité de genre ») passe officiellement de l’ALD 23 à l’ALD 31..

Le ministère assure qu’une « lettre-réseau » explicite a été envoyée aux CPAM afin d’assurer le maintien des remboursements. OUTrans a fait la demande d’avoir accès à ce document. Nous sommes en attente d’une réponse du Ministère. Dans tous les cas, on peut être sûrEs qu’elle sera bientôt en ligne quelque part..

La publication de la version définitive du rapport de la HAS était prévue pour la fin d’année 2009, rien n’est sorti pour l’instant et on ne sait pas exactement ce qui va changer entre la version provisoire et la version définitive..

Ok mais une ALD, c’est quoi ?.

Les maladies de longue durée, plus connues sous le nom d’affections de longue durée (ALD) correspondent en France à une liste d’affections, en réalité plus de 400 pathologies regroupées en trente catégories. Elle est établie par l’assurance maladie française, et permet un remboursement intégral des traitements ou soins..

Pour bénéficier d’une ALD, coûteuse pour l’État et très spécifique, il est donc nécessaire d’établir un diagnostic, ou plus largement un « protocole thérapeutique »..

Il existe une catégorie d’ALD (31) dite « hors liste », permettant elle aussi un remboursement à 100%, qui concerne en théorie les affections graves pour lesquelles la durée prévisible des soins est supérieure à 6 mois. C’est désormais cette ALD qui concerne les personnes trans (Décret no 2010-125 du 8 février 2010)..

Plus d’informations dans notre article sur l’ALD.

Le projet de création de Centres de référence – ce que dit le ministère :.

Le ministère de la Santé veut revoir tout le système de prise en charge des personnes trans en France. La raison qui nous a été donnée est qu’il est unanimement reconnu défaillant et inadapté tant par les professionnelLEs de santé que par les individuEs et associations trans..

Le changement d’ALD vise à faire le lien entre l’ancien et le nouveau système tout en assurant la continuité des remboursements des actes et traitements médicaux nécessaires aux personnes en transition..

Pour le ministère le pré-rapport de la HAS est explicite concernant le mauvais fonctionnement du système actuel. Il représente donc un appui officiel permettant de remettre en cause le système de prise en charge existant et ainsi justifier l’urgente nécessité de créer quelque chose de plus adapté. Le Ministère considère (de ce qu’ils en disent) le Rapport de la HAS comme non pas le point de départ d’un travail, mais la preuve concrète qu’ils doivent travailler sur la prise en charge de la transidentité. Cela veut dire concrètement que les conclusions et la méthodologie du rapport, décrié à l’unanimité par les associations, ne conditionnent pas le travail du Ministère..

L’idée serait, en s’appuyant sur une analogie entre transidentité - maladie rare, de créer un ou plusieurs centres de référence dédié(s) à la prise en charge des personnes trans. Il existe déjà en France des structures de ce type (pour les troubles articulaires, par exemple)..

L’analogie transidentité-maladie rare ne signifie pas que la transidentité est considérée par le ministère comme une maladie. Elle est basée sur le constat de similitudes en terme de prévalence (1 pour 2000) et en terme de rareté d’expertise concernant une prise en charge de qualité..

Ces structures seraient considérées comme des outils, dont le contenu serait entièrement à définir par un cahier des charges à l’élaboration duquel les associations et individuEs trans seront conviéEs à participer..

Le schéma serait le suivant :.

1. Les associations + sociétés savantes + administration + HAS (1 personne) élaborent le cahier des charges..

2. Un appel d’offre est lancé vers les structures hospitalières qui peuvent alors se porter candidates. Officiellement, une équipe de praticiens qui travaillent en libéral pourraient aussi déposer un dossier..

3. Un comité (incluant les associations) opère une sélection. Puis un calibrage est fait (combien faut-il de centres etc..).

4. La structure se met en place. On la laisse vivre un an environ..

5. Création du PNDS (délai un an)..

Ce type de centre a l’habitude d’inclure les associations de « patientEs », ce qui leur permettrait donc de prendre pleinement part à l’élaboration d’un PNDS (Protocole National de Diagnostic et de Soins) en collaboration avec les professionnelLEs de santé et les représentantEs des CPAM. De plus, les centres de référence ont une obligation d’information des patients..

Ils ont également vocation à recueillir des données épidémiologiques et d’actualiser celles existantes, de vérifier que la prise en charge évolue et comment..

Ces structures offriraient une prise en charge permettant le remboursement de produits qui n’ont actuellement pas d’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché), c’est le cas de l’Androtardyl (testostérone de synthèse habituellement prescrite aux Ft*)..

Selon le ministère, les centres dédiés aux maladies rares qui existent déjà satisfont pleinement patientEs, associations de malades et médecins. Il nous encourage à nous rapprocher d’eux pour avoir plus d’informations..

Pour finir, la visibilité de ces centres permettrait, toujours selon le ministère de la Santé, d’uniformiser l’offre et la qualité des pratiques sur le territoire français, de garantir l’égalité dans l’accès aux actes médicaux et de limiter les ?errances ? médicales. C’est-à-dire permettre aux médecins de mieux orienter les personnes trans et aux personnes trans de pouvoir trouver aisément des interlocuteurs spécifiques, labellisés par le ministère et, de ce fait, offrant certaines garanties en terme de prise en charge..

Toutefois, le passage par ces centres ne serait aucunement une obligation et les parcours privés ne seraient pas empêchés..

Les centres auraient des relais en régions pour offrir un accès confortable pour toutEs..

Ce système permettrait également de collaborer et d’échanger avec des structures similaires à l’étranger..

Pour info, les missions habituelles des Centres de référence :.

Faciliter le diagnostic et définir une prise en charge,
Définir et diffuser des protocoles de prise en charge, en lien avec la HAS (haute autorité de santé) et l’UNCAM (Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie),
Coordonner des travaux de recherche et participer à surveillance épidémiologique, en lien avec l’InVS (Institut National de Veille Sanitaire),
Participer à des actions de formation et d’information pour les professionnels de santé, les malades et leurs familles, en lien avec l’INPES (Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé ),
Animer et coordonner les réseaux de correspondants sanitaires et médico-sociaux.
Etre des interlocuteurs privilégiés pour les tutelles et les associations de malades..

Et plus d’infos sur le site du ministère..

Le PNDS (Protocole National de Diagnostic et de Soin) :.

Des lors que quelques centres de référence sont identifiés, qu’ils sont considérés comme légitimes pour porter des recommandations, ils ont la fonction de produire un PNDS en collaboration avec les professionnelLEs de santé et les associations de personnes concernées..

Plus d’infos sur l’élaboration d’un PNDS sur le site de la HAS (PDF également en pièce jointe ci-contre)..

La position d’OUTrans :.

Le ministère de la santé semble manifester une réelle volonté d’avancer et d’inclure les personnes et associations trans à la mise en place d’une prise en charge de meilleure qualité..

OUTrans s’interroge toutefois sur la réelle pertinence de la création de centres de référence et s’inquiète du maintien de la possibilité de parcours de transition dans le privé, ainsi que du respect du principe du libre choix du médecin et de la question de la dépsychiatrisation effective de la transidentité. Sur la place des associations dans ces protocoles, il faut vraiment se renseigner auprès des associations de maladies rares pour avoir leur feed-back là-dessus : si les associations trans ont une place limitée sous la houlette des praticiens et du Ministère, on a tout à craindre. Par ailleurs, nous regrettons que la prise en charge sur le modèle de la maternité (un remboursement à 100% sans pour autant être considéréE comme malade) n’ait pas été une proposition vraiment creusée par le ministère..

Quand à la déclassification de l’ALD 23, elle est supposée se faire sans accrocs (même prise en charge qu’avant – même si on peut regretter ne pas pouvoir espérer une meilleure prise en charge qu’avant...). Néanmoins, des praticiens de mauvaise foi pourraient se servir de la brèche pour arrêter de remplir des dossiers ALD : si la transidentité n’est plus nommée dans le code de la Sécurité Sociale, il y a des risques. Il y a donc un travail de mise à disposition de l’information juridique à faire par les associations..

.P.-S.
Lexique : .

ALD : Affection Longue Durée.
AMM : Autorisation de Mise sur le Marché.
CP : Communiqué de Presse.
CPAM : Caisse Primaire d’Assurance Maladie.
CNAM : Caisse Nationale d’Assurance Maladie
CRTrans : Centre de référence pour les personnes trans.
HAS : Haute Autorité de Santé.
InVS : Institut national de Veille Sanitaire.
JO : Journal Officiel.
INPES : Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé.
UNCAM : Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie.
PNDS : Protocole National de Diagnostic et de Soin. .
http://www.outrans.org/spip.php?article97

No comments: